éducation, famille, inclusion, société

Couples et (re)pères

L’objectif de cet article n’est pas de faire polémique, de reprocher l’absence de l’un ou la présence de l’autre. Cet article n’est pas une vérité que j’énonce ou un scoop que j’annonce, il est seulement le fruit de mes réflexions et questionnements, qui s’appuient sur quelques chiffres. Je ne me suis jamais vraiment considérée comme féministe ou révoltée de la société, j’aspire juste à plus d’équité pour chacun, dans tous les domaines et donc aussi au sein de la famille. La question du couple et la place des pères est un sujet qui me touche, autant personnellement que professionnellement. En travaillant en Lieu d’Accueil Enfant-Parent, j’ai essentiellement accueilli des femmes, des mères souvent seules la journée voir la semaine car le conjoint travaille, ou dont le père de l’enfant est absent (séparé et qui vit loin, voir inexistant ou inconnu). Cette quasi-absence m’interrogeait : Les pères ne souhaitaient-ils pas être présent sur ces premières années de vie de leur enfant ? Les quelques hommes qui venaient étaient-ils si différents des autres ? Les hommes d’aujourd’hui sont-ils les mêmes que les hommes d’hier ?

Car on l’a tous observé, la place des hommes au travail comme à la maison est en mouvement depuis plusieurs années voir décennies, ce qui perturbe certains qui restent accrochés à des repères largement dépassés. Oui, il y a 50 ans, l’homme était le géniteur, celui qui sort travailler pour subvenir aux besoins de sa famille, celui qui représente l’autorité (je caricature à peine). Les femmes étaient essentiellement cantonnées aux tâches de la maison et à l’éducation, c’est surtout elles qui donnaient l’affection et la douceur dont les enfants avaient besoin. Les rôles et places de chacun étaient bien définis. Il était surement plus facile de s’y retrouver, même si cela ne pouvait convenir à tout le monde (hommes ou femmes). De nos jours, les femmes travaillent aussi à l’extérieur de la maison, mais gardent encore la charge de la majorité des tâches domestiques comme de l’éducation. La question de cette charge mentale et ses conséquences, illustrée merveilleusement par Emma, explique et éclaire beaucoup de ce que les femmes peuvent encore assumer aujourd’hui. Je ne vais pas m’attarder sur l’aspect des tâches domestiques, car ici c’est plutôt la place auprès des enfants qui m’intéresse. Aujourd’hui encore, les hommes désireux de prendre un congé parental pour s’investir dans l’éducation des enfants peuvent s’engouffrer dans la (toute petite) porte qui s’ouvre devant eux, s’ils ont le courage d’affronter leur employeur (pas toujours compréhensif face au désir de présence parental du père), et parfois leur compagne (pas toujours prête à cet investissement). Pourquoi cette réticence à faire évoluer les lois et les idées qui permettraient aux hommes d’être égaux aux femmes, à la maison comme avec les enfants ?

Parce qu’il faut bien le dire, pour se faire une place le père doit forcer quelques portes. Celle, d’abord, du duo mère/enfant qui a déjà ce lien physique et émotionnel depuis plusieurs mois. Celles de la société qui va l’admirer, ou le regarder de travers, car il VEUT être auprès de ses enfants, mettre de côté sa carrière peut-être, être présent à la maison. Non pas pour AIDER sa femme, mais pour prendre sa part de charge dans le quotidien et être avec ses enfants. Ce choix de congé parental est familial, car il impacte sur les revenus du foyer, sur l’organisation de la famille, sur la répartition des tâches. Et chacun doit redéfinir son rôle. Je me rappelle m’être sentie moi-même dépassée, lorsque je ne savais plus comment apaiser Léon bébé, et que Patrice, plus présent car en congé parental auprès de lui, me montrait les petits trucs qu’il avait découvert et que je ne connaissais pas encore (parfois pas de la manière la plus appropriée pour être bien accepté). D’un coup j’ai compris ce que pouvais ressentir le parent moins présent, qui ne sais pas toujours comment s’y prendre et qui se fait « conseiller » par celui qui connait le mieux l’enfant. Je me suis dit « c’est mon fils et je ne sais pas comment m’en occuper », sentiment qui peut faire jeter l’éponge au parent qui débute, qui n’est pas très sûr de lui, qui a envie d’apprendre mais qui ne sait pas à qui demander par peur d’être moqué, ou qui considère que l’autre fera toujours mieux. Je comprends les parents (souvent les mères) présents 24/24 qui peuvent râler ou être désespéré par leur conjoint qui ne sait pas changer une couche ou qui n’entend rien la nuit quand l’enfant pleure. C’est parfois plus simple (et plus rapide) de faire soi-même que d’expliquer ou de demander de participer. Mais cela ne laisse pas à l’autre la possibilité de faire sa place, de trouver ses marques, de rater surement la première fois mais de trouver ses propres solutions. Je comprends les parents (plus souvent les pères) qui se sentent rejetés parce que l’enfant ne réclame que sa maman, qui n’osent pas faire parce que la dernière fois qu’ils ont essayé ils se sont sentis idiots de ne pas savoir faire ou de demander comment faire. Mais tout parent apprend avec chacun de ses enfants, chaque place est légitime et contribue à l‘équilibre de la famille.

En premier lieu, je me dis qu’il serait peut-être plus simple que les deux parents puissent être présents les premières semaines de vie de l’enfant, pour apprendre à le connaitre et créer leurs repères ensemble ? Je me suis donc intéressée au temps accordé à chaque parents dans les pays que nous avons prévu de visiter, juste pour me faire une idée de la place laissée à chacun lors de la naissance d’un enfant. Si les congés maternité sont à peu près similaires dans tous ces pays (entre 14 et 20 semaines pour la majorité, seul le Portugal est en dessous avec 6.5 semaines, et la Suède largement au-dessus avec 68.5 semaines) les congés paternité -ou d’accueil de l’enfant- sont assez ridicules, permettez moi l’expression : entre 0 et 20 jours, seuls 2 pays ont choisi de faire coller les périodes de congés paternité aux congés maternité, soit 112 jours pour l’Espagne (16 semaines) et 480 jours (68.5 semaines) pour la Suède.

Pourquoi cet écart ? Comment se fait-il que certains pays considèrent que la présence du père est autant indispensable que la présence de la mère après la naissance, et d’autres ne le prennent pas en compte ? Pour parler surtout de la France, car pour l’instant c’est le pays que je connais le mieux, je n’arrive pas à comprendre que les pères ne soient pas plus considérés et qu’ils n’aient pas la possibilité d’être plus présents auprès de leur femme et de leur enfant. Est-ce une question économique ? Une peur que les hommes deviennent malheureux en restant à la maison ? Pourtant, la Suède qui est le pays qui propose les congés les plus longs, est classé 5ème état européen par indice de compétitivité en 2018, et 7ème par indice de bonheur la même année. Alors, qu’est-ce qu’on risque à s’accorder un peu plus de temps ?

Pour pousser un peu plus loin, je me suis demandé comment les couples pouvaient s’organiser lorsque l’enfant était hospitalisé pour cause de maladie ou de situation de handicap dans les premières semaines. Là aussi, les réponses des pays sont assez différentes. Quoique pratiquement toutes sont des propositions de prolongation de durée de congé ou d’indemnisation à la mère uniquement ! Cette fois ci encore, la Suède sort du lot en proposant 120 jours par an et par enfant, indemnisé à 80% de salaire, qui peuvent être pris par la mère, le père, ou cédé à une autre personne qui s’occuperait de l’enfant. La France semble en cours d’évolution (à vérifier dans les mois à venir), pas aussi impressionnante certes, mais tout de même un projet de loi est en cours (vote prévu en juillet 2019) pour prolonger le congé paternité d’1 mois en cas d’hospitalisation de l’enfant en unité spécialisée.

Je vais bien être obligée de m’arrêter, même si le sujet me passionne. Maintenant, nous pouvons rester chacun dans nos fonctionnements, ou s’inspirer de ce qui se fait ailleurs. Je n’oublie pas qu’il y a d’autres aspects importants à prendre en compte : l’accueil en collectivité, les allocations familiales, le temps de travail hebdomadaire, les lieux d’accueil et de soutien à la parentalité, etc… Chaque pays possède sa culture, son histoire, ses ressources, et tout n’est pas transposable partout, j’en suis bien consciente. J’ai tout de même l’espoir que l’égalité de droits entre hommes et femmes, que ce soit au travail, dans la famille, et dans la société en général, soit un objectif pour tous les pays du monde.

Sources : emploi Belgique, les sites des ambassades, des frontaliers,
Centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale, Atlas socio

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