J’ai rencontré Emilie il y a déjà plusieurs années, lorsqu’elle démarrait son association Les Merveilles de Maria et se faisait connaître parmi les associations des secteurs petite enfance, handicap, éducation, etc. Depuis, on s’est revue à plusieurs reprises, on a vu les projets et associations de chacune réaliser des actions, on s’est même associées à l’occasion. J’ai toujours pris plaisir à échanger avec elle, j’ai donc été ravie lorsqu’elle s’est portée volontaire pour répondre à mon interview. Elle a un peu essuyé les plâtres et m’a aidé à reformuler certaines questions pour qu’elles soient mieux comprises. Parce que ces quelques questions, je vais les reposer à chaque parent interviewé, en France, en Espagne, en Allemagne ou encore en Suède. L’album photo des familles sera mis en ligne plus tard dans la galerie 😉!
Avec Emilie, nous nous sommes retrouvées au Village Educatif, autour d’un pique-nique, pour échanger sur mes questions, et un peu plus… Voici son témoignage 🎤
Bonjour Emilie, peux-tu te présenter rapidement ?
« Je m’appelle Emilie, j’ai 35 ans pour encore quelques jours ! J’habite avec mes 3 filles de 12, 10 et 3 ans dans un appartement du parc social rennais. Je n’ai pas d’activité professionnelle rémunérée actuellement, mais je suis bénévole 10 à 16 heures par semaine au Village éducatif (une initiative de l’association Les Merveilles de Maria). J’aime bien me qualifier d’accompagnante parentale parce que c’est ce que je fais dans ce lieu, et je suis formée en tant qu’éducatrice Montessori. »
Comment imaginais-tu ta vie d’adulte lorsque tu avais moins de 20 ans ?
« Lorsque j’étais plus jeune, je me voyais adulte dans le style « La petite maison dans la prairie » : une famille nombreuse avec un papa, une maman, et un travail auprès des enfants pour moi, peut-être institutrice. »
Quelle mère imaginais-tu devenir ? Quelles valeurs t’ont guidées dans ta parentalité ?
« Je ne me souviens plus vraiment comment je pensais il y a 12 ans… J’imaginais plus mon enfant que moi je crois. Je l’imaginais d’une manière que j’ai déconstruite après. On est obligé de le déconstruire si on veut vraiment l’accompagner. Mais je ne me souviens pas avoir eu d’attente envers moi-même, ça ne me dit rien. Ha si ! Je voulais que le jeu soit présent entre nous, je voulais être complice, amie, joueuse. Au début c’est un peu difficile, au bout de 12 ans ça commence à émerger, mais il y a beaucoup d’apprentissages en même temps que l’enfant grandi et c’est surtout maintenant que le jeu peut être plus présent. Maintenant qu’on a réussi à se dégager des plus grosses problématiques liées au développement, à la compréhension, etc.
Finalement mes valeurs elles sont arrivées au fur et à mesure de ma parentalité, elles ont grandi avec mes enfants. Je dis toujours « nous on mange bio depuis le premier jour où j’ai mis une cuillère dans la bouche à ma fille », parce que à partir de là je me suis dit « qu’est-ce que je lui donne à manger ? », alors qu’avant je ne m’étais pas posé la question. Comme les jouets en bois, les lobbys, je ne m’étais pas posé la question tant que je n’étais pas confrontée, je n’avais pas de choix à faire. Mes valeurs étaient peut-être sous-jacentes ou inconscientes, mais elles ont émergé avec la présence des enfants. C’est comme pour les choix éducatifs, c’est au moment où tu te poses la question « école ou pas école, si école quelle école ? », que moi j’ai mis mes filles dans une école Montessori. J’ai demandé à une amie au Canada ce qu’elle pensait de ces écoles, elle m’a dit « si tu as l’occasion de le faire, fais-le », et ça s’est fait comme ça. »
Que peux-tu dire de ta vie de couple aujourd’hui ?
« Quelle vie de couple (rires) ? Il y en a pleins… Pour mon histoire, j’ai eu deux enfants avec mon premier mari. J’ai divorcé elles étaient jeunes, je me suis retrouvée maman solo quand elles avaient 3 et 1 ans. Je me suis remariée et j’ai eu une troisième fille en 2015. Ce couple a été aussi voué à un échec. Je me suis remariée au mois de janvier, cette année, en espérant qu’il n’y aura pas de « Next » cette fois-ci. On a l’air assez en phase pour l’instant. Pour moi, ce qui est alimentaire et éducatif, si on ne le partage pas ensemble ça ne peut pas marcher, parce que c’est ce qui anime ma vie, c’est central, tout comme ma spiritualité. Je ne peux pas dissocier les choses parce que ce sont des valeurs fondamentales, donc il faut être en phase. Actuellement je le suis. Avec le papa de S. la troisième on l’était aussi. Avec le papa des grandes, on n’a pas les mêmes cultures éducatives. En plus moi j’ai même déconstruit ma propre culture éducative, ce qui n’est pas forcément aisé ou accessible à tout le monde. Nos positions divergeaient sur l’autorité par exemple, est-ce une bonne chose que tes enfants aient peur de toi, des choses comme ça. Ce n’est pas ce qui a fait la séparation parce qu’elles étaient petites donc on n’a pas eu le temps d’avoir assez de « clashs » sur ce sujet, mais ça aurait fini quand même par un divorce. 10 ans après on est dans les mêmes clivages, on n’est pas dans les mêmes méthodes. Du coup moi j’aime bien être seule, pour ça. Mais quand on peut être une équipe, c’est génial, que l’autre te pousse pour que tu te dépasses toi-même, quand tu satures ou même quand tu ne satures pas. Pour soulager, mais aussi pour s’émerveiller ! »
Comment décrirais-tu les relations de tes filles entre elles ?
« Les 2 grandes se chamaillent, elles sont totalement différentes, elles ne se supportent pas, ou plutôt la grande ne supporte pas sa petite sœur depuis toute petite. Je pense que c’est lié au fait de partager sa mère. Et pour autant, quand une des deux n’est pas là, elles pensent l’une à l’autre, prennent soin de l’autre. C’est « qui aime bien châtie bien » on va dire. La troisième, vu son écart d’âge ça a été déclaré que c’était la favorite, la chouchoute, et puis moi j’en joue aussi je leur dit oui. Mais après on en reparle, je leur dis qu’elles ne peuvent pas faire la bagarre pour un truc alors qu’une a 12 ans et l’autre 3. Nous on est très famille, on mange ensemble par exemple, c’est quelque chose qui unit, on parle beaucoup. On fait nos bilans de la journée ou chacun peut poser ses choses librement et personne n’a le droit de couper la parole, on est une équipe finalement. On est une petite communauté qui prend le temps de s’observer pour ne pas polluer les relations avec des mauvaises raisons. C’est ce qu’on fait en CNV (communication non violente) en fait, plus tôt on le met dans les mains des enfants, mieux c’est ! »
Qu’est-ce qui est plus difficile à vivre pour toi dans ta parentalité ?
« L’environnement extérieur est peut être ce qui est le plus difficile à vivre au sein de la famille. Il n’est pas forcément en accord avec ce que je veux transmettre à mes enfants. Par exemple, à l’école : pour responsabiliser les enfants au sein d’une classe, il y a celui qui sort la poubelle, celui qui range la salle, etc. et celui qui note au tableau les perturbateurs pendant que le maitre s’absente. Moi j’ai refusé que mon enfant fasse ceci en expliquant que je ne lui inculquais pas la délation, que ce n’était pas dans mes valeurs. Je prône plutôt la coopération, et le respect, envers le professeur aussi même lorsqu’il s’absente. J’ai transposé mes émotions quand j’en ai parlé à cette époque et ce n’est pas très bien passé, j’ai été mal vu et pas entendu comme je l’aurais voulu. Certaines choses qui se vivent en dehors de la famille ne correspondent pas aux valeurs familiales. Ce n’est pas forcément un mal, un enfant qui n’est jamais confronté ne sera pas forcément outillé le jour où ça arrivera. Si tu n’as pas appris, tu ne sauras pas comment réagir. Mes filles je veux leur apprendre le discernement, mais c’est vrai que quand c’est récurrent, un peu tous les jours, tu perds la main. Parfois c’est même la famille, les différences vécues à l’extérieur, les règles qui ne sont pas les mêmes… »
Qu’est-ce que tu changerais si tu avais une baguette magique ?
« Je changerai en premier lieu l’école. L’école elle broie des gosses, c’est évident. Les miennes ne sont pas forcément concernées, je les outille, elles ont eu un parcours qui les a rendu adaptables, parce que la vie a fait qu’il a fallu qu’on s’adapte à pleins de situations différentes. Et on a toujours discuté. Mais d’autres sont broyés, c’est une évidence, sans s’en rendre compte parfois. Ça va être de l’estime de soi brisé, et à 40 ans c’est en thérapie qu’on va les retrouver. Ceux qu’on retrouve aujourd’hui en thérapie, c’est des gamins qui ont été broyés avant. De l’extérieur, quand on fait un autre choix, comme celui de Montessori à l’époque où ça n’était pas encore à la mode comme aujourd’hui, on nous disait : est-ce que vous leur donnez toutes leurs chances ? ne vont-elles pas être marginalisées ? Pour mes parents, le fait de les mettre ailleurs, c’est comme si je remettais en question l’éducation qu’ils m’ont donné, parce que mes choix sont différents. Mais l’éducation que j’ai reçue, c’est ce qui fait ce que je suis aujourd’hui. On se réapproprie les choses mais on n’envoie pas tout balader pour autant. »
Et le plus agréable dans ta vie de famille, ce qui te donne le sourire ?
« Moi j’aime quand elles se chamaillent en rigolant, quand il y a les parties de chatouilles, où ça rigole. Quand on est réunies aussi. On attend vraiment le repas ensemble, c’est quelque chose qui a été instauré entre nous. Au moment où je faisais l’école à la maison, il y a des fois où je faisais un seul plat commun dans lequel on mangeait toutes, et j’ai remarqué que c’est ce qui reliait la famille, suite au divorce notamment. J’ai repensé à pleins de cultures où on mange dans le même plat, ça a resoudé la famille et du coup on a gardé ça, sans que je rappelle « c’est important de manger ensemble », ce qui est très moralisateur. On en n’a pas besoin finalement. »
A SUIVRE…
Suite à une mauvaise manipulation (oups, désolée😳), les 3 dernières questions n’ont pas été enregistrées…
Merci à Emilie de s’être prêtée au jeu et de s’être livrée la première, ce n’est pas toujours un exercice facile !
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