Ce qui est le plus important pour le développement psychique, c’est l’initiative qui émane de l’enfant
Qui était Emmi PIKLER ?
Elle est née au début du siècle dernier à Vienne (Autriche). Il y a peu d’informations disponibles sur son enfance et sa famille, mis à part le fait qu’elle perd sa mère à l’âge de 12 ans et que sa famille est de confession juive. A 18 ans, elle entame des études de médecine pour devenir pédiatre et s’intéresse beaucoup à la psychanalyse. Elle se marie en 1930 avec György Peter Pikler, un pédagogue et mathématicien, avec qui elle aura 3 enfants.
Peu après, ils s’installent à Budapest (Hongrie) où elle exercera en cabinet pendant plus de 10 ans. Elle s’attache beaucoup à observer les bébés, leur motricité et les relations qu’ils entretiennent avec leurs parents. Après la guerre qui fut une épreuve pour sa famille (son mari arrêté, elle résistante obligée de se cacher avec sa fille de 5 ans), elle y fondera en 1946 l’Institut Loczy, du nom dans laquelle il se situe, pour accueillir les bébés orphelins de guerre ou abandonnés. Elle y mettra en pratique ses idées sur les soins, l’éducation et les besoins affectifs du tout-petit. Elle y formera également de nombreux professionnels et y poursuivra ses recherches.
Pourquoi cette pédagogie ?
Durant ses années d’étude comme en tant que pédiatre de famille, Emmi observe que les taux d’accidents chez les enfants sont moins élevés dans les familles modestes, là où ils sont plus libres de jouer, d’expérimenter leurs capacités et leurs limites. Elle en déduit que la présence de l’adulte doit être rassurante, sécurisante, mais pas limitante ou même stimulante. Elle dit « tout ce qui entoure un bébé le stimule. Quand un adulte intervient, c’est une stimulation superflue ». Elle est l’une des premières à considérer le bébé comme un personne à part entière, en capacité de se développer librement dans ses activités, à partir du moment où il se sent en sécurité. Elle travaille avec les familles pour leur permettre d’accompagner leur enfant en ayant la conviction qu’il a en lui les capacités de son développement. Elle base ses recherches et ses accompagnements sur 3 grands principes :
- L’importance de développer une sécurité affective, dans des interactions parent-enfant, et dans un environnement évolutif selon les besoins de l’enfant
- La disponibilité et l’attention qui doit être mise dans les gestes de soins au quotidien, dans le respect de l’enfant et en tenant compte de ses ressentis et ses capacités
- La liberté de mouvement donnant de la valeur à l’activité spontanée de l’enfant, pour lui donner confiance en ses capacités et ses expérimentations (appelé motricité libre)
Comment mettre cela en pratique ?
Emmi PIKLER a surtout fait ses recherches et expérimentations en structure collective, pour lesquelles elle a pu proposer des aménagements transposables à domicile :
- limiter le nombre de professionnels par enfant (3 adultes pour 9 enfants)
- ne pas intervenir quand un enfant apprend à se retourner, se déplacer, se mettre assis, ou intervenir de façon indirecte en modifiant le matériel proposé, en commentant discrètement l’action de l’enfant
- sur le principe de la coopération active, verbaliser chaque moment de soins
- ne pas placer l’enfant dans une position qu’il n’a pas lui-même expérimenté et qu’il n’est pas capable de tenir seul
- l’adulte est présent de manière bienveillante et soutenante, les rapports de force sont à éviter, les interdits sont énoncés de manière ferme mais sans colère
Quelques exemples qui tiennent compte des principes de cette pédagogie :
- La promenade où l’enfant est laissé à ses découvertes, en évitant de le porter pour monter ou descendre des marches, lui proposer la main dans des endroits dangeureux pour lui (tout en lui laissant la possibilité de juger de ses capacités). En s’adaptant à ses envies, ses arrêts, et en verbalisant ce qu’il voit, ce qu’il fait et ce qui se passe autour de lui.
- Le petit assistant : dès 2 – 3 ans, l’enfant est heureux de pouvoir participer à des tâches d’adulte et d’aider. Lui laisser la possibilité de passer l’éponge sur la table, mettre du linge dans la machine, planter des graines, porter les courses, etc. Cela l’aide à avoir confiance en lui et à prendre conscience de ses limites.
- Les soins plaisirs : respecter un rituel précis durant les soins rassure le bébé. Verbaliser tout ce qui se passe : l’eau qui éclabousse pendant le bain, lui montrer la couche qu’il va mettre, lui demander s’il veut mettre sa manche dans le pull et accompagner son mouvement s’il est trop petit pour le faire, etc. Être avec lui, totalement, dans le moment présent.
Quelques conseils pour favoriser la motricité libre :
- Préférer 3 espaces restreints mais distincts pour l’enfant :
- pour le jeu et la découverte motrice
- pour les soins
- pour les repos et le sommeil
- Adapter ses vêtements pour que l’enfant puisse se mouvoir librement : les prendre souples et pratiques
- Faire évoluer l’espace de jeux selon les besoins de l’enfant :
- Pour les plus petits, un simple tapis avec des objets légers à attrapper et manipuler
- A partir du 4 pattes, agrandir l’espace et ajouter des obstacles (coussins, cubes, tunnels…)
- Pour les plus grands, une partie de la pièce avec cabane, poussette, banc, camion, un arrosoir, du sable, etc. sous le regard de l’adulte pour grimper, sauter, descendre, enjamber…
Pour aller plus loin, vous pouvez retrouver sa bibliographie et des informations plus poussées sur le site de l’association PiklerLoczy. Ou encore dans le livre dont je parlais déjà dans le dernier article sur Célestin FREINET : Le grand livre des pédagogies alternatives.
Mercredi prochain, nous irons un peu plus au sud de l’Europe : nous irons découvrir une pédagogie venue du nord de l’Italie ! A bientôt 😉!
4 réflexions au sujet de “La pédagogie d’Emmi PIKLER en 3 questions”