alternatives, éducation, famille, pédagogie, société

L’école est un moyen, pas un objectif.

J’avais commencé à écrire cet article il y a quelques semaines, avant le confinement et tout ce qui va avec. Le titre n’a pas changé, mais le contenu s’adapte à l’actualité et à notre propre vécu du moment…

Si vous jugez un poisson sur ses capacités à grimper à un arbre, il passera sa vie à croire qu’il est stupide.

Albert EINSTEIN

1 – L’école : à quoi ça sert ?

Petits rappels concernant l’école, parce que pour avoir un avis éclairé il faut mettre un peu de lumière 💡.

L’école est née

Avant le 19ème siècle et la création de l’école obligatoire, publique et gratuite, peu d’enfants avaient la possibilité de bénéficier d’une instruction. Il y avait bien des percepteurs, mais pour cela il fallait de l’argent, comme pour payer les écoles existantes d’ailleurs… Cela faisait quelques siècles déjà que les hommes de lois et d’églises avaient décidé qu’une certaine partie de la population devait rester « ignorante », pour éviter qu’elle se détourne des champs (comme disait Rousseau au 18ème). Il valait mieux être un garçon également, parce que les filles avaient bien d’autres choses à apprendre que lire et écrire (comme faire la cuisine, entretenir le logement ou repriser les chaussettes…). L’école avait pour mission de former l’élite de la bourgeoisie et du clergé, qui pourrait entretenir et maintenir le pouvoir sur le peuple acquis par ses aînés. Beau programme.

L’école pour tous

Jules Ferry, ministre de l’instruction publique de la fin du 19ème siècle, a instauré l’école obligatoire, gratuite et laïque. Grâce à lui l’instruction se démocratise, l’accès y est désormais possible aux pauvres et aux filles. Merci. Pourtant, ce n’est qu’en 1938 que les femmes peuvent (enfin !) s’inscrire à l’université sans l’autorisation de leur mari… Et en 2016, un rapport du Centre national d’étude des systèmes scolaires (CNESCO) fait ressortir que l’école est un reproducteur, voir un amplificateur des inégalités sociales.

Comment se fait-il que tant de bonne(s) volonté(s) se traduise par un résultat si différent (pour ne pas dire décevant) presque 150 ans plus tard ?

Ne soyons pas totalement négatif, l’école publique et gratuite a donné à beaucoup la possibilité d’avoir une instruction, un cadre de référence et des ressources qu’ils n’auraient pas eu chez eux. Mais je pense, et cela n’engage que moi à ce niveau, que le problème réside dans l’inégalité d’enseignement. Je ne dis surtout pas que le problème vient des professeurs, la grande majorité étant investi dans sa mission auprès de ses élèves et ayant choisi ce métier par passion (ça ne peut pas être pour l’argent de toute façon…). Non, le « problème » persiste car il y a une inégalité de moyens : certains ont « la chance » de travailler dans un cadre qui leur permet d’offrir à leurs élèves un enseignement de qualité dans de bonnes conditions matérielles et humaines, respectant autant les besoins des individus que ceux de la collectivité. Mais beaucoup doivent se battre pour mettre en pratique leur pédagogie, se faire comprendre par une hiérarchie qui ne parle pas le même langage, ou encore avoir accès aux ressources dont leurs élèves les plus en difficultés auraient besoin.

Alors l’école est bien ouverte à tous (globalement hein, sans rentrer dans les handicaps et déficiences…), mais réussir à l’école n’est pas pour autant à la portée de tous.

2 – Peut-on réussir sa vie sans réussir à l’école

Les cancres sont-ils condamnés ?

Jean Cocteau (né en 1889) rentre à l’école à 6 ans et s’y montre agité et distrait, ce qui lui apporte de médiocres résultats. Ses souvenirs du collège sont « nuls et sinistres : […] larmes, cahiers sales, livres entrouverts en hâte, tâches d’encre, coups de règles sur les doigts… ». Il finit par être renvoyé car il cumule trop d’absences. Lui se passionne pour le dessin, l’écriture et le théâtre. Il ratera son bac 4 fois mais finira (quand même) romancier, auteur de théâtre, critique, scénariste, réalisateur de cinéma, acteur, dessinateur et peintre (rien que ça !). Et on lui doit la réalisation de « La Belle et la Bête » (non non, ce n’est pas Walt Disney qui l’a inventé).

Albert Einstein (né en 1879) ne parle pas avant l’âge de 3 ans. Très solitaire, il semble laisser la vie le porter. A l’école on le trouve lent car il réfléchit trop longtemps avant de répondre et ne parvient pas à apprendre par coeur. Un de ses professeurs de lycée va même jusqu’à lui dire qu’il ferait mieux de quitter l’école et renoncer au bac, ce qu’il fait d’ailleurs. Il ne fait que ce qui l’intéresse : des maths et de la physique. Il finira par passer le concours polytechnique où il obtiendra 20 en math et 2 dans toutes les autres matières. La suite vous la connaissez un peu…

Daniel Pennac (né en 1944) est un de nos contemporains. Je viens de finir son livre « Chagrin d’école » où il nous parle de son parcours de cancre : celui qui ne comprend rien à l’école, y va avec la peur et la honte, se met en échec, en souffre chaque jour et se défend de n’y être pour rien. Et pourtant, il s’en est sorti, il est même devenu professeur avant d’être romancier. Un professeur qui n’aimait pas l’école quand il y était élève, ça donne un professeur qui est en capacité de se mettre « à la place de l’ignorant », celui qui ne sait pas et n’y comprend rien. Un sacré atout.

A l’école, quand on m’a demandé ce que je voulais être plus tard, j’ai répondu « heureux ». Ils m’ont dit que je n’avais pas compris la question. J’ai répondu qu’ils n’avaient pas compris la vie.

John LENNON

L’instruction en famille : une condamnation ?

Loin de moi d’affirmer qu’une pédagogie, une méthode, une structure ou un cadre soit la solution universelle. Encore plus loin de moi de vous affirmer qu’il FAUT faire de l’instruction en famille car c’est LA solution. Surtout pas. Je sais par expérience (et nous sommes de plus en plus à le savoir en ce moment) que ce n’est pas simple de transmettre des apprentissages à ses propres enfants. Beaucoup trop d’éléments rentrent en jeux : le quotidien, les émotions, les attentes de chacun, les capacités, les envies et les peurs. Parmi d’autres… Alors :

  1. Oui, c’est compliqué durant le confinement de faire travailler nos enfants sur des fiches, exercices ou cahier que leurs enseignants nous ont transmis.
  2. Oui, c’est difficile de savoir comment attiser leur curiosité lorsque nous ne sortons pas de chez nous.
  3. Oui, c’est sportif de réussir à évacuer les tensions et laisser libre court aux jeux quand il n’y a aucune interaction avec d’autres enfants.

Mais rappelons que ce que nous vivons en ce moment n’a pas grand chose à voir avec l’instruction en famille, celle qui est choisie et mise en place selon des choix éclairés. C’est juste une période exceptionnelle où les écoles sont fermées et que la « continuité pédagogique » se met en place selon les moyens et possibilités de chacun (parent, professeurs et enfants).

Donc on se détend et on relache la pression.

En ce qui nous concerne, les notres ne retourneront peut-être pas à l’école si l’ouverture ne se fait qu’en septembre. Mais nous savons aussi que nous aurons une expérience qui nous permettra de mettre en place des methodes d’instruction plus adaptées à chacun de nos enfants. Par chance, nous aurons aussi le droit de sortir, d’aller à la médiathèque, à la rencontre des autres (Youpii !) et d’apprendre de toutes les interactions qui nous sont aujourd’hui impossibles. Et c’est la base de l’instruction que nous souhaitons mettre en pratique !

Alors, est-ce que nos enfants et tous les autres qui ne vont pas à l’école, car ils voyagent ou que leurs parents ont opté pour une autre méthode que celle imposée par l’école, auront moins de chance de s’en sortir dans la vie ? Est-ce que ceux pour qui l’école est source d’angoisse car ils ressentent une pression trop forte pour eux, ceux qui ne trouvent pas leur place dans cette institution et à qui les parents proposent d’autres ressources, s’en sortiront moins bien que s’ils allaient à l’école ?

Et si l’école n’était qu’un moyen parmi d’autres d’apprendre, d’aller à la rencontre des autres, de découvrir le monde qui nous entoure et de développer nos connaissances, goûts et envies ?

Pour finir, je vous partage un petit article paru sur le site Pass-Education sur la pédagogie positive et son lien avec l’éducation (et pas seulement parce que c’est moi qui l’ai écrit 😏). Vous trouverez également sur ce site des tas de ressources, de témoignages et d’articles sur l’instruction en famille et la pédagogie. Bonne lecture et bon courage (et on n’oublie pas de respirer profondément) !