L’annonce récente de notre président a fait l’effet d’une bombe parmi les familles ayant fait le choix de l’instruction en famille. Certaines sont désespérées, d’autres paniquées, mais surtout beaucoup sont en colère. Assimiler l’instruction en famille à l’extrémisme religieux, l’identifier comme la cause de la montée de la violence est une insulte aux parents, aux familles, aux croyants et aux citoyens.
Jusqu’ici, l’Etat décidait de la forme, du contenu et de l’organisation de l’instruction dans les écoles de la République, en échange de la gratuité de l’enseignement. Si le CHOIX des parents était autre, il y avait la possibilité de passer par des écoles privées sous contrat, hors contrat, associatives, ou encore l’instruction en famille. Tous ces choix n’étaient pas pour autant exonérés du contrôle du l’Etat, par des visites, des rapports, voir des injonctions de fermeture d’école ou de rescolarisation.
Et pourtant… cela ne suffirait plus. Si le projet de loi du président passe, ces choix deviendraient impossible légalement, nous deviendrons donc des hors la loi si nous refusons de nous soumettre à cette obligation.
1 – Le président peut-il prendre cette décision ?
Grâce à notre cher président (et je l’en remercie) nous nous sommes renseigné un peu plus sur le pouvoir qui lui est attribué, car celui-ci est bien sûr réglementé (puisque nous ne sommes pas dans une dictature quand même ! ).
D’après ce que j’ai compris, le président et son gouvernement peuvent faire un projet de loi comme celui qui a été annoncé : rendre l’école obligatoire pour tous les enfants de 3 à 16 ans, et limiter l’instruction en famille à des raisons médicales. Pour que cette loi passe et devienne applicable, il faut qu’elle soit votée par l’assemblée ET le sénat en totalité. Ce n’est pas impossible, mais ce n’est pas gagné non plus.
Pour modifier une loi constitutionnelle, il faut également qu’elle soit approuvée soit par référendum auprès du peuple (option rarement choisie), soit à une majorité de 60% des suffrages exprimés par le Parlement, convoqué en congrès . Cela se complique un peu plus…
La Constitution
Dans le cas présent, le projet du gouvernement demande une modification de la constitution de 1958, qui borne l’exercice du pouvoir par le gouvernement dans le respect des valeurs de la République. Juste pour informations, la Constitution commence comme cela :
- PREAMBULE : Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu’aux droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement de 2004.
- ARTICLE PREMIER : La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances.
- ARTICLE 2 : […] La devise de la République est « Liberté, Égalité, Fraternité ». Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.

Sur le site Eduscol (qui est le site officiel du gouvernement), un concours « Découvrons notre Constitution » est proposé aux élèves pour comprendre les principes fondamentaux de notre République. Pour ne citer que quelques-un des thèmes proposés :
- liberté d’enseignement
- liberté individuelle
- liberté de conscience
- etc.
Et ce n’est pas moi qui l’ai dit ! Il n’y aurait pas comme une petite incohérence là ? 👀
Les droits de l’Homme et du citoyen
Je ne vais pas vous faire un cours d’histoire sur le sujet, mais juste rappeler à votre mémoire quelques articles qui peuvent faire écho ici :
- Article premier : Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune.
- Article 2 : Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression.
- Article 4 : La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi.
- Article 12 : La garantie des droits de l’homme et du citoyen nécessite une force publique ; cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux à qui elle est confiée.
2 – Quel recours pour les enfants ?
Je dis bien pour les enfants, car ils sont les premiers concernés. Nous, adultes, parents, professeurs, comment pouvons-nous enseigner à nos enfants ce qu’est la liberté, la démocratie, ou l’impact de nos choix, si nous ne pouvons simplement pas l’appliquer ?
Est-ce vraiment applicable pour 2021 ?
Dans un premier temps, je vous avoue que je ne suis pas réellement inquiète par rapport à la faisabilité de cette loi, si jamais elle est votée. Ben oui, quand on y pense, la loi de 2005 sur l’égalité des droits et des chances devait déjà permettre à tous les enfants d’être accueillis dans l’établissement scolaire de son quartier ou de sa ville. Ce n’est plus un secret 15 ans après que BEAUCOUP d’entre eux (je parle des enfants à besoins particuliers) n’ont pas de place, car les classes sont déjà surchargées, que les professeurs ne sont pas en mesure de faire de l’accompagnement individuel dans ces conditions, qu’ils n’ont ni les moyens ni la reconnaissance et le soutien nécessaire pour enseigner dans de bonnes conditions à TOUS les enfants, dans le respect des individualité et des besoins particuliers.
Est-il possible de rajouter dans les écoles 50 000 enfants, dont certains n’ont jamais appris à « devenir élève », c’est à dire à apprendre assis à un bureau, enfermé dans une classe ? Peut-on infliger à ces enfants et adolescents, tout comme à ces professeurs, d’être prêts à la rentrée prochaine à modifier leur quotidien, leur façon d’apprendre et d’enseigner ?
Ou alors le projet est de le faire coûte que coûte, sans se soucier des besoins matériels, humains, physiologiques et pédagogiques ?

Et si ça passe quand même ?
L’école n’est pas un instrument de torture, heureusement, et beaucoup de professeurs feront tout ce qui est possible pour accueillir au mieux ces nouveaux enfants et ces nouveaux parents. Mais le problème, à mon sens, est de demander à toutes ces personnes qui iront à l’école par obligation, par obéissance, sous la contrainte ou avec la crainte d’être privé d’une partie de leurs droits, d’être également coopératifs sous peine de sanctions. Conservera-t-on le droit de s’exprimer librement même lorsque nous ne serons pas d’accord ? Faudra-t-il se plier au bon vouloir des individus qui détiendront le pouvoir sur nos enfants et sur nos vies ?
Et si notre choix était la désobéissance civile ? Si nous décidons alors de ne pas mettre nos enfants à l’école obligatoire, de ne pas les déclarer en IEF puisque cela deviendra illégal, et donc de ne plus nous soumettre aux contrôles de l’inspection académique comme c’est aujourd’hui le cas ?
Que risquera-t-on ? L’emprisonnement ? Un retrait de l’autorité parentale et un placement des enfants ? Un retrait des aides de la CAF ou une amende forfaitaire pour chaque mois non scolarisé ? Un fichage des enfants pour Non conformité ? Sera-t-on encore dans un état de droits ??

Bref, les enfants qui sont encore aujourd’hui libres de s’exprimer ont fait des propositions : changer de pays, voyager tout le temps, aller à l’école et se faire renvoyer, développer une allergie ou une maladie, ne pas se déclarer, etc. C’est drôle, et en même temps ça fait peur : comment vivront-ils l’école si celle-ci devient obligatoire ? Deviendront-ils des citoyens défenseurs des valeurs de la République en passant par cette case, si elle est forcée ? Je doute que les politiciens aient pensé à cela…
En tout cas, si Mr MACRON voulait faire le buzz, il a réussi. Il a éveillé la peur, la panique parfois, mais surtout les consciences et la détermination des individus pour conserver leurs droits et leurs libertés.
L’IEF est finalement peu connu lorsqu’il n’est pas pratiqué, et grâce à tout cela nous pourrons peut-être faire connaitre ce mode d’instruction comme il est : respectueux, riche, divers, libre et choisi, car je n’ai jamais entendu parlé d’enfants interdits d’aller à l’école, si telle est leur volonté.
Super article ! Merci
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