Parce que chaque famille est différente, parce que chaque parent est particulier, parce que chaque enfant est exceptionnel. Parce que tous les choix et les modes de vie sont possibles, je vous partage ceux des autres à travers des témoignages.
Nous avons rencontré pour de vrai, après plusieurs échanges sur les réseaux sociaux, cette petite famille il y a 1 an, lorsque nous les avons accueillies sur notre terrain avec leur caravane. Le courant est tout de suite passé, autant entre les enfants qu’entre les adultes. Elles ne sont finalement restées que peu de temps, mais elles nous ont touché et nous voyons cette petite tribu évoluer avec plaisir. Je vous partage ici leur histoire, parce qu’elle est atypique, alternative, différente, mais finalement tellement semblable à celle de beaucoup de parents.
Une petite présentation de votre tribu s’impose !
E : Emeline, 36 ans, j’ai été éducatrice spécialisée et assistante maternelle et depuis la naissance de Maïwenn je m’occupe des filles. En terme d’habitat, on oscille entre la maison de mes parents et la caravane, avec laquelle on espère partir sur plusieurs jours de temps en temps.
A : Aurore, je suis cuisinière de base mais je suis à la maison avec les filles depuis 2019. L’idée c’est de rester le plus possible à la maison tant que nos aides actuelles nous suffisent, et je reprendrais le travail lorsque nous pourrons repartir sur les routes et que cela sera nécessaire.

E : Aurore bossera en saison si mon statut d’aidante pour Romy ne nous suffit pas à vivre. Mais on aimerait qu’elle reste le plus possible avec nous. Pendant la grossesse de Romy, il n’y a avait aucun retour d’anomalie particulière. Seulement, à la naissance, il y a eu un manque de calcium et pas mal de petites choses qui se sont enchaînées jusqu’à ce qu’on ai un diagnostic mi-septembre 2019 d’ostéopétrose, une maladie génétique rare qui impliquait que Romy soit greffée. Cette greffe de moelle osseuse obligeait une prise en charge à l’hôpital Necker à Paris, le centre de référence pour ces greffes là, mais également qu’elle soit en chambre stérile et donc l’impossibilité pour Maéwenn de voir sa sœur. Ça a été le cas de mi-novembre jusqu’à la sortie de Necker fin avril, période pendant laquelle Maéwenn et Romy ont pu se voir 5 ou 6 demi-journées maximum.
Avant d’être ensemble, comment vous imaginiez votre vie d’adulte ?
A : Dans la vague idée de ce que je me rappelle, je rêvais d’avoir une maison, avec un mari, une petite vie bien rangée quoi, mais à cette époque là pas d’enfants car j’avais trop peur de l’accouchement. Pour le boulot, j’aurais voulu être vétérinaire ou avoir un travail dans le domaine médical.
E : c’était le parcours classique : j’imaginais les études, la maison, le mari aussi, avec la plan de carrière. J’ai beaucoup changé d’idée de métier, mais c’était toujours dans un esprit limite protocolaire, c’était un peu comme tout le monde quoi. Par contre j’était sûre que je voulais des enfants. Je ne sais pas si c’est ça qui influe mais j’ai grandi avec 4 frères et sœurs.
C’était une certitude que je serais maman, d’aussi loin que je m’en souvienne.
Comment imaginiez-vous la parentalité avant d’être mères ? A-t-elle évoluée ?
E : je pense que je n’ai pas trop changé dans mes idéaux, je me suis construite beaucoup par rapport à quels parents j’ai eu, ce que je voulais garder ou pas. Quand on a eu Maéwenn je n’ai pas trop changé d’idée, on entendait déjà un peu parler d’éducation bienveillante et ça me parlait beaucoup. Il y a avait certainement un peu de déformation professionnelle parce que j’étais éducatrice. Je n’étais pas l’éduc de ma fille mais il y avait un peu de ça quand même. Je n’ai pas trop dévié d’idée au moment où il a été le moment d’être parent en fait, avec l’idée de bienveillance, d’écoute de l’enfant, de maternage proximal, et tout ça c’est resté. Il y a forcément 2 ou 3 trucs que j’imaginais qui finalement n’étaient pas très très jouables au quotidien, ou pas totalement, ou pas tout à fait comme je le planifiais. Mais sur le fond je suis plutôt en accord avec ce que j’imaginais.
A : alors moi je n’avais pas d’idée, mais clairement. Je pense qu’avant de rencontrer Émeline, j’aurais fait un peu comme j’avais été éduquée : pas vraiment dans la bienveillance mais plutôt dans les cris ou les remontrances assez virulentes, et pas du tout dans un truc d’écoute, de prendre en considération l’enfant. Avec Émeline j’ai beaucoup changé de vision des choses et de comment faire avec les enfants, j’ai pris conscience que ce sont des êtres à part et que c’était important de les écouter par rapport à leurs émotions. Si j’avais eu un conjoint comme moi, j’aurais été dans une éducation très traditionnelle, dans la punition et tout ce qui va avec.
J’ai fait un virage à 180°. Je n’avais pas eu de modèles avant moi pour savoir comment faire, pour avoir d’autres clés.
E : pour moi c’était différent, mes frangins ont été papas avant moi et du coup je me suis construite avec l’image de mes parents, mais aussi de mes frères et sœurs qui sont de ma génération et avec qui j’ai évolué en tant que parent.
A : moi j’ai changé avec toi et Maéwenn. Même au niveau alimentation pour nous par exemple. Parce que j’ai eu envie de mieux : quand tu ne veux que du bien pour tes enfants, tu essayes de leur apporter le meilleur.
Quelles sont les valeurs que vous partagez et qui vous guident dans votre parentalité ?
A : je dirais la bienveillance, l’honnêteté, la confiance. L’écoute.
E : l’écoute c’est clair, que ce soit entre nous deux ou avec les filles. Nous sommes très différentes niveau caractère, et il y a l’idée d’accepter le fonctionnement de l’autre. Moi je suis plutôt volcanique et quand ça sort, ça sort. Aurore est tout à l’inverse, elle est beaucoup plus posée, réfléchie, elle est moins dans le frontal. Alors autant Aurore accepte mes tempêtes émotionnelles, autant j’accepte son côté plus taiseux, où il faut aller creuser un petit peu plus. On apprend à fonctionner avec, et on essaye d’accueillir comme ça vient chez les filles, avec les tempéraments de chacune, les similitudes et les différences. On essaye d’accueillir tout ça réciproquement en fait.
A : moi je me retrouve beaucoup dans Maéwenn, dans des fonctionnements où on serait un peu les mêmes. Différemment bien sûr, mais semblables au niveau de la sensibilité, le côté de ne pas parler facilement. Il faut aussi la pousser dans ses retranchements pour avoir des infos et je suis pareil.
E : je pense qu’on a suffisamment de similitudes pour se comprendre à la base, mais suffisamment de différences pour que l’histoire soit riche et qu’on puisse apprendre à accueillir l’autre en face. Mais après, tout est question d’écoute, d’essayer de se positionner à la hauteur de l’autre. Ce n’est pas toujours possible, clairement il y a des moments où ça cafouille total, mais globalement c’est pas trop mal…
Comment vivez-vous votre couple en étant parent ?
A : je dirais que pour l’instant on trouve un équilibre tout doucement, suite à la maladie de Romy tout tourne un peu autour des filles. Il y a un équilibre mais c’est plus les filles qui l’apportent que nous. On est un peu en retrait, on ne peut pas dire qu’on se retrouve vraiment.
E : ça a beaucoup évolué parce que quand il n’y avait pas les filles on était extrêmement fusionnelles, on faisait tout à deux et c’était rare qu’on sorte l’une sans l’autre. Quand Maéwenn est arrivée, on arrivait encore à se dépatouiller pour trouver du temps à deux, mais la fusion se faisait vraiment à trois en noyau famille, et encore plus depuis qu’on est quatre. Effectivement, je ne sais pas si on peut dire que notre équilibre c’est les filles, mais c’est un truc comme ça : le noyau il a juste grandi, je ne pense pas qu’on peut dire qu’on s’oublie là-dedans mais il n’y a pas d’un côté les enfants et de l’autre nous, c’est un espèce de tout. On n’a pas la sensation de s’oublier ou que notre couple déperrise la-dedans.
A : notre équilibre c’est vraiment ensemble qu’on l’a maintenant. C’est tout un fonctionnement qui est différent. C’est vrai qu’on est plus concentrées sur les filles, mais c’est ce qui fait notre force. À l’arrivée de Maéwenn ça avait été un peu difficile pour moi, parce qu’on était très fusionnelles avec Émeline. L’arrivée de quelqu’un d’autre avec qui c’était compliqué de trouver des moments à 2 qui me manquaient, c’était un peu comme si Maéwenn avait cassé quelque chose.
On avait simplement besoin d’apprendre à vivre avec un enfant et adopter un autre fonctionnement.
Avec l’arrivée de Romy, ça n’a rien bousculé pour nous mais plus pour Maéwenn qui trouvait, à notre retour à la maison, qu’on avait moins de temps pour elle et qui se sentait un peu lésé, parce que les temps qu’on lui consacrait étaient moindres ou moins longs et elle ressentait un manque. Là je la comprenais parce que c’est ce que j’avais vécu avec elle quand elle est arrivée.
E : et depuis l’hospitalisation de Romy, ça a encore consolidé ça parce que du coup on a été sorties de tous nos repères et on a encore plus resserré ce noyau à quatre. Notre équilibre à nous il est bon si les filles vont bien, et si ça c’est OK nous on arrive à détacher du temps pour nous, mais ça se priorise un peu comme ça. Après ce qui est certain, c’est qu’on a un équilibre à retrouver suite à la séparation dû à l’hospitalisation et le retour à la vie à 4. Mais ça en dit long sur le besoin d’être ensemble.
Que diriez-vous des relations entre les sœurs ?
A : je ne dirais pas que c’est fusionnel entre elles, mais Maéwenn est assez protectrice avec sa petite sœur, sur-protectrice même. Elle aime énormément sa sœur ça c’est sur. Quand Romy est là, Maéwenn n’est pas du tout dans le rejet et au contraire elle aurait tendance à vouloir jouer tout le temps avec elle et à s’oublier. Ça va évoluer avec le temps et elle vont construire leur relation de sororité, avec tout ce que ça comporte…
E : après, leur histoire fait que. Nous, on l’a vue investir cette relation dès la grossesse. C’est à dire qu’on lui a expliqué, elle avait une frise pour suivre l’évolution, elle était présente aux échographies. On a fait le choix, avec tous les risques que cela implique, qu’elle puisse être intégrée dans cette histoire dès le début. On lui a expliqué que ça pouvait bouleverser pas mal de choses à la naissance, ce qui a été beaucoup le cas. Leur relation est forcément hyper dépendante de la séparation qui a eu lieu lors de l’isolement en chambre stérile de Romy.
La surprotection de Maéwenn vient sûrement du fait qu’elle vive encore avec cette angoisse de ne plus revoir sa sœur, qu’elle soit encore malade, qu’elle puisse mourir.
Après elle est dans une ambivalence parce qu’elle découvre seulement maintenant l’envahissement que peut provoquer l’arrivée d’un bébé, donc elle ne sait plus trop si sa sœur prend trop de place ou si c’est trop cool de l’avoir. Mais il n’y a pas de grosse rivalité. Romy commence aussi à découvrir sa sœur, à créer des petits sons pour jouer avec elle. Elle découvre aussi ce que c’est que d’avoir une sœur tout le temps là, parce qu’elle a entendu la voix de Maéwenn avec les histoires qu’elle pouvait enregistrer et qu’on lui amenait dans sa chambre, mais elle n’avait que la voix et ce n’était pas assimilé à une présence constante, avec tout ce que ça implique de temps consacré aussi à sa sœur.
Dans votre vie d’aujourd’hui, qu’est-ce que vous trouvez de plus beau, et de plus dur ?
A : avec le parcours qu’on a eu, le plus beau aujourd’hui c’est d’être réunies enfin toutes les 4, parce que la séparation a fait que ça a été compliqué. C’est là que tu prends conscience de la valeur des choses, qu’être en famille c’est ce qui t’apporte de la joie, même si des fois tu as envie d’être un peu tranquille dans ta bulle et d’avoir des moments rien que pour toi, sans penser aux autres, rien que de se concentrer sur soi-même. Avoir cette forme d’égoïsme qui est important aussi pour se centrer sur soi, se reposer, surtout pour moi qui adore dormir !
E : ce qui est certain c’est que le plus compliqué maintenant avec 2 enfants, c’est de ne plus pouvoir avoir de temps pour moi. Là maintenant j’en ai vraiment besoin, et Aurore me permet de l’avoir plus facilement que l’inverse. Le plus chouette, et ce qui a été confirmé avec l’arrivée de Romy, c’est qu’on a encore plus cheminé et que ça a confirmé nos choix de vie, notre manière de fonctionner et de vivre, et d’avoir le sentiment de ne pas s’être plantées.
Notre priorité c’est notre famille et non pas d’avoir un CDI et une baraque.
Plus on avance, malgré les mois d’hôpital et les hauts et les bas, tout se confirme et pour le coup dans notre vie de parents les filles nous le rendent bien et ça fait grandir tout le monde. On ne se plante pas sur le chemin parental, et ça nous convient à toutes.
A : je pense que Necker, même si ça a été dur quelque part, ça a remis de l’importance au fait d’être ensemble, ça a renforcé les liens.
Question garde et instruction : quels ont été vos choix ?
E : c’est moi qui ai porté les filles, c’est donc moi qui suis restée auprès d’elle à leur naissance. La question de la garde ne s’est pas du tout posée pour moi, même sans travailler il était clair que je resterai auprès de Maéwenn le plus longtemps possible. Vers ses 1 an j’ai repris la formation d’assistante maternelle, j’avais envie de reprendre un travail et ce métier me permettait de rester auprès d’elle en même temps.
Arrivée à l’âge scolaire, on avait pensé à l’instruction en famille sans avoir validé l’idée, mais je serais bien incapable de dire pourquoi aujourd’hui. Là où on habitait, il y avait une école privé où à la maternelle il y avait une prise en charge type Montessori, ce qui faisait écho avec ce qu’on faisait à la maison avec Maéwenn et notre façon de fonctionner. On a fait les portes ouvertes, Maéwenn a fait la rentrée en petite section, mais en 2 semaines d’école on l’a vu dépérir. Ce n’était pas seulement les pleurs à la séparation, on la sentait angoissée, elle se remettait à refaire pipi au lit, avoir des maux des ventres, elle n’avait plus le sourire. Le jeudi matin de la deuxième semaine, elle est venue me voir et m’a dit : « maman, je suis triste », alors que déjà elle ne parlait pas facilement de ses émotions. Pour moi ça a été rédhibitoire, je l’ai gardée ce jour là. On a demandé à rencontrer une de ses maîtresses et on a appris d’autres choses sur ses journées, car elle mangeait également à la cantine, ça avait été un gros changement pour elle. Du coup c’est venu valider le fait qu’on la garde à la maison, sachant qu’il n’y avait rien qui pressait puisque je travaillais à domicile et que la question de la garde ne se posait pas. L’âge de l’instruction obligatoire était à ce moment là encore à 6 ans, il n’y avait donc rien qui s’opposait à ce qu’elle reste à la maison, tout en lui laissant la possibilité à chaque rentrée de nous dire si elle souhaitait retourner à l’école.
A : moi clairement je n’ai pas aimé allé à l’école, je n’ai pas été beaucoup suivie par mes parents et je ne voyais pas vraiment l’intérêt des cours, je ne voyais pas à quoi ça allait me servir pour plus tard. Du coup je ne faisais pas grand chose à l’école… Quand on a pris cette décision là, je le découvrais parce qu’à l’époque où moi j’y étais je ne savais pas qu’il y avait cette possibilité. Je pense que j’aurais aimé le faire moi-même, et c’était un soulagement pour moi. Qu’elle puisse être protégée, j’en étais vraiment rassurée. C’est vrai que j’ai été en école de zone sensible en banlieue des Yvelines, j’ai vécu en cité et aller à l’école ce n’était pas forcément une joie. J’ai connu les menaces, le racket. J’étais contente que Maéwenn ne connaisse pas ça, même si ce n’est pas partout comme ça. À un moment donné il faudra qu’elle fasse ses armes, mais qu’on puisse la protéger pour l’instant ça me rassure vraiment. C’est sûrement mes projections à moi par rapport à ce que j’ai vécu, elle vivrait peut-être bien les moqueries et les jugements, mais je suis ravie de lui éviter ça.
E : moi à l’inverse j’ai eu un parcours scolaire hyper classique, j’étais plutôt bonne élève, premier rang et c’est cet opposé qui est intéressant. On a deux parcours très différents, moi j’ai été dans une petite école maternelle et primaire de campagne, on se retrouvait dans le lotissement, c’était serein comme époque, et rien ne pouvait impliquer plus tard l’IEF. C’est ça que je trouve chouette, malgré nos parcours très différents, on savait que l’IEF était vraiment la bonne solution pour Maéwenn.
On n’a pas pris cette décision en opposition à l’école, mais pour le bien-être de notre fille.
Voyez-vous quelque chose d’important à rajouter que nous n’ayons pas encore mentionné ?
E : je pense qu’il y a quand même le fait qu’on soit 4 femmes à la maison qui est important. 2 femmes et 2 femmes en devenir, ça amène d’autres choses. En plus, nous on y fait attention, sans qu’il s’agisse d’être féministe ou extrémiste, il y a cette idée de décoller un peu de notre société patriarcale, du modèle qu’on amène aux filles, d’avoir quelque chose de doux dont on prend soin autour de la féminité. Je pense qu’il y a quand même cette image là qu’on essaye d’amener aux filles, dans notre manière d’être mamans, d’être femmes.
A : qu’elles se sentent libres, de s’habiller comme elles veulent, de ne pas craindre d’être une femme et d’être pleinement comme elles auraient envie d’être, sans avoir peur d’être embêtée ou jugées. Elles le seront certainement, mais assumer pleinement ce qu’elles sont les aidera à être à l’aise avec ça. Assumer d’être elles quoi.
E : assumer sa condition féminine, ça revient à la construction d’un enfant, mais je pense que c’est particulier de vivre avec 2 mamans, les choses ne se construisent pas tout à fait pareil.
On n’a pas la même vision, de faire ou de s’habiller, c’est justement montrer qu’on peut être différentes et femmes quand même.
Merci à toutes les 2 pour votre partage !
Vous pouvez retrouver leurs témoignages, leurs partages d’expérience et leurs ressources pour l’IEF sur leur page Facebook 4 femmes en chemin.
Et pour retrouver les 6 premiers témoignages, c’est ICI !