Pour ma première expérience dans l’enseignement, j’ai été recrutée par une nouvelle école qui ouvrait à la rentrée 2021 sur Pointe-Noire. J’ai été assignée à la classe de CP. Je suis partie réjouie, pleine d’enthousiasme et beaucoup d’idées dans mon sac. Mais tout ne s’est pas passé comme prévu…
1 – Organisation de la rentrée
J’avais prévenu lors de l’entretien que j’arriverais sur Pointe-Noire le 14 septembre. Le responsable m’a informé fin août que la rentrée des primaires aurait lieu le 15. Après un court moment de frayeur, je me suis dit « c’est pas grave, je me prépare avant, et j’arrive au taquet ! ». Je me suis rendue disponible dès le 1 septembre pour répondre aux demandes et recevoir les informations essentielles. Peu d’informations mais beaucoup de demandes : faire le programme pour l’année, à la semaine, les listes de fournitures, une évaluation de fin de CP, etc. Motivée comme j’étais, j’ai travaillé et envoyé rapidement tout ce qu’on me demandait, sans toujours avoir de réponses à mes questions…
Bref, le jour du départ de France, soit le 13, le directeur annonce que la rentrée des maternelles aura lieu le 15 et celle des primaires le 16. Un peu tard pour l’annoncer, mais tant mieux, cela m’arrangeait et me laissait le temps de rencontrer mes collègues et visiter l’école avant ma vrai rentrée.
Jour de rentrée des maternelles, c’est la fête : des ballons, du maquillage, de la musique, l’ambiance est sympathique ! Mes collègues sont accueillantes, je découvre ma classe (toute petite car je dois avoir seulement 11 élèves, le pieds !). Au cours de la journée, le responsable revient me voir pour ma dire qu’en fait ils ont pris des inscriptions aujourd’hui et ils seront 17 😱! On a beau essayer les tables dans tous les sens, on ne voit pas comment en placer 17… Le soir, une de mes collègues m’envoie un message pour me dire qu’on a échangé nos classes, je pourrais caser tous mes élèves, ouf !
2 – Les débuts
Le premier jour, je reçois mes 12 premiers élèves. Je découvre que certains sont congolais, d’autres libanais, ou encore syriens ou marocains. Certains d’entre eux ne parlent pas le français et le comprennent mal, d’autres ne sont pas allé à l’école depuis 2 ans (soit pratiquement pas), alors que les derniers ont suivi une scolarité et sont en mesure de suivre un programme de CP. Pas facile…
Le matériel et les manuels fournis ne sont pas en nombre suffisants et pas toujours adaptés, surtout pour des enfants qui n’ont jamais utilisé un bâton de colle ou un stylo… Très peu ont le niveau de CP, l’utilisation des livres fournis est donc difficile à mettre en place. Heureusement, certains moments sont prévus pour la préparation pendant que l’enseignante d’arabe et d’anglais est avec mes élèves, et j’ai amené pleins de supports pour évaluer leur niveau à l’arrivée. Je suis motivée !
Première déception : le relai espéré par l’arable et l’anglais (9 périodes de 50mn par semaine) n’est pas assuré la première semaine, il manque des professeurs et elle remplace dans les autres classes… Deuxième déception : pas de réunion de préparation, pas d’échanges avec la direction, on nous donne des directives mais on ne répond pas à nos questions…
En cours de semaine, 3 élèves se rajoutent à ma classe, j’arrive désormais à 15, puis 16 le vendredi. Pas grave, je recherche, je motive, je reprends les bases de la vie collective, je multiplie les outils pour les occuper sur des périodes de 2h30, coupées seulement par 30mn de récréation. Dur dur pour mes petits CP, et pour moi ! Mais c’est le début, ça va s’organiser, on est encore confiants.
3 – Deuxième semaine qui commence
Dimanche soir à 17h, le directeur envoie des informations : le planning de la semaine suivante, des informations aux parents, les fournitures commandées selon nos demandes. On commence à y voir plus clair, je lui demande la confirmation du relai par l’autre enseignante, ce qu’il fait avec assurance. Je prépare donc ma semaine le dimanche soir, rassurée par ces précisions.
Lundi matin, j’arrive avec ma sacoche remplie de supports à photocopier avant l’accueil de 7h30. Le directeur n’étant pas arrivé, impossible de faire mes photocopies, je ne les auraient pas à temps pour mon cours… Bon, je vais faire avec ce que j’ai. Et puis j’ai déjà apporté des livres, des jeux autour des lettres, des calculs et de l’heure, je devrais réussir à me dégager 10mn pour faire quelques impressions, non ?
Oups, 2 élèves de plus ce matin, on est monté à 18. Les groupes par niveau que j’avais sont à refaire : l’un ne comprends rien au français, malgré un niveau correct d’écriture, et l’autre s’en sort à peu près mais a des difficultés à se concentrer. Je compte beaucoup sur les 2 cours d’arabe pour multiplier mes outils, je redemande donc au directeur s’ils seront bien assurés : un OUI franc me rassure. Arrivé à la récréation, je pars avec tous mes document en salle des professeurs pour préparer mon affichage de classe et mes polycopiés en 3 niveaux. Je raccompagne mes élèves en classe et les laisse jouer en attendant le relai. J’attends… Le directeur passe, j’en profite pour lui demander quand elle arrive, et sa réponse me laisse perplexe : pas pour l’instant. Mais pas pour l’instant, c’est-à-dire, pas tout de suite ou pas aujourd’hui ? Apparemment pas cette semaine, elle est malade… (Voir elle n’a pas été recrutée…) Je suis en colère !! 😡
4 – Premier bilan
Je remplie donc mes 2h comme je peux, mais je suis très déçue. Est-ce que je suis trop exigeante ? Je manque d’adaptation ? C’est normal que ça se passe comme ça ?
En sortant à 13h30, épuisée par les 6h sans pause ne serait-ce que pour aller faire pipi, je discute avec mes collègues. La plupart est à bout, il leur manque également le matériel qu’elles ont demandé, le programme n’est pas respecté sans qu’elles soient informées, les élèves ont des niveaux très différents. Je me sens moins seule, je comprends que le problème ne vient pas de moi, mais bien de l’organisation. J’ai appris le vendredi que la femme qui avait été mon premier contact et qui travaillait sur l’ouverture de cette école depuis plusieurs mois, avait démissionné. Je commence à comprendre pourquoi… une collègue libanaise nous expliquait que la gérance était très patriarcale, ce qui laissait peu de place aux femmes (c’est-à-dire l’ensemble des enseignantes) dans les discussions et les échanges…
Moi qui me réjouissait de cette nouvelle expérience, je sens déjà que je m’épuise. Je m’en fichais d’être payée moins, je trouvais le boulot intéressant et le challenge passionnant ! On m’a vendu une école moderne, à la recherche de l’excellence, avec des outils à la pointe et un suivi individualisé des élèves grâce à des petites classes. Mais l’écran géant tactile de ma classe reste éteint car je n’ai pas encore eu l’occasion de savoir comment il fonctionne. Comment peut-on être à l’écoute des élèves et de leurs besoins si les professeurs ne sont pas écoutés par la direction ?
Je ne sais pas aujourd’hui si je vais pouvoir continuer à travailler dans ces conditions. Ce n’est pas correct pour les élèves et épuisant pour moi. Je veux bien faire des efforts, être patiente, m’adapter et apprendre, mais j’attends au minimum du respect en retour. Et pour moi, le respect c’est échanger, s’écouter, travailler ensemble pour le bien-être de chacun. Aujourd’hui on en est loin… On verra demain ?
Je commente moi-même mon article pour m’excuser auprès des personnes qui auraient pu être blessées par mes mots. Mes articles sont l’expression de mes émotions, et celui-là je l’ai écrit sous le coup de la colère et la déception. Je ne souhaite en aucun cas juger ou blesser des personnes, et encore moins des enfants. Toutes mes excuses aux parents qui ont été touchés, je ne vise aucunement vos enfants.
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Bonjour eh oui compliquée la mission. et pour un salaire de quel niveau , si ce n est pas indiscret.
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Plus qu’un smic congolais mais moins qu’un français 😅
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Bon anniversaire Patrice !
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