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Ma vie de prof débutante

Après avoir testé le rôle d’enseignante en CP à l’école libanaise le premier mois, j’ai sauté plusieurs classes pour passer directement au collège, dans le lycée français de Pointe-Noire. Pas le même public, pas le même fonctionnement, pas le même programme… Je ne m’étais pas préparée à ça, le challenge était élevé, mais je l’ai fait ! 😊

1- Mes premiers pas…

Juste avant les vacances de la Toussaint, j’ai été rappelée par le lycée français pour prendre le remplacement d’un professeur qui changeait de poste : 15 jours plus tard, je devais prendre en charge une classe de 6ème en histoire-géographie, une classe de 5ème et deux de 4ème en français. OK, c’est parti.

J’ai eu les vacances pour me préparer avec les manuels et les livres aux programmes, prêtés par l’école. Je me suis abonnée à presque tous les groupes de profs que j’ai trouvé sur Facebook et j’ai lu les programmes sur Eduscol, j’ai bossé toutes mes vacances pour arriver avec quelques billes devant mes classes. Quatre classes de 25 élèves entre 11 et 13 ans, il fallait que je me sente prête…

Puis le jour de ma rentrée est arrivée, entre rencontrer les professeurs, trouver mes salles et faire connaissance avec les élèves, ma première semaine était intense. J’ai eu la chance d’être bien accueillie et accompagnée par les collègues, en plus des professeurs coordonnateurs des matières concernées qui m’ont donné leurs fichiers et leurs conseils, ce qui m’a bien aidé ! J’ai découvert tout un univers fait de plans de séquences, d’évaluations, de power point, de Pronote, de listes d’appels et de bulletins.

Côté élèves, changer de prof après juste 7 semaines de cours, ce n’est pas évident. Ils l’aimaient bien, il avait son fonctionnement et ses techniques, arriver derrière n’était pas évident pour moi non plus. Poursuivre ce qui a été commencé sans répéter la même chose et sans passer sur des notions essentielles, j’ai forcément fait des erreurs… Et puis les adolescents, ce sont les mêmes qu’ailleurs : ils cherchent souvent à gagner du temps pour travailler moins, ils rechignent à écrire plus de 10 lignes à la main, ils ont toujours trop de devoirs, et ils oublient régulièrement leurs affaires (liste non exhaustive bien sûr). Au milieu de tout ça, faire ma place et trouver mon rythme de travail allait forcément me prendre un peu de temps…

2- La liberté pédagogique

Et puis je me suis lancée, je suis rentrée dans la fosse aux lions… Ce sont des lions gentils, mais quand même, ils ont la force du nombre ! C’est là où mes expériences d’éducatrice et de formatrice m’ont été plus qu’utiles : je ne ressens pas de stress à me trouver face à une classe de 25 élèves, je n’ai plus peur des adolescents, ni de leurs parents. Avec la chance de partir de rien, j’avais cette possibilité de mettre en place des cours qui me correspondent et qui sont en accord avec mes valeurs de l’enseignement : pas de cours magistral avec des leçons à apprendre par cœur, mais essayer d’impulser l’envie de faire, favoriser l’autonomie grâce à des méthodes un peu différentes. Je me doute bien que cela allait être une rude mission avec des adolescents, loin d’être gagnée en quelques semaines 😅!

Cette fameuse liberté pédagogique que je rêvais de mettre en pratique en primaire, c’est une réalité au collège ! La liberté peut faire peur, car on se retrouve face à une page blanche et on doit réussir à y faire rentrer le programme sans avoir de consignes précises pour nous guider. C’est grisant comme ça peut être inquiétant. Heureusement, j’avais déjà plein d’idées et j’en ai pioché beaucoup d’autres sur les groupes de profs qui ont été pour moi une vraie ressource (et le sont toujours). Comme quoi, les réseaux sociaux peuvent aussi être utiles ! L’entraide entre profs est réelle et essentielle, avec les présents comme les virtuels. Bon, je me suis vite rendue compte que le niveau des élèves n’était pas celui que je croyais (ou alors j’avais complètement oublié de quoi on est capable en 4ème), et leur autonomie est limitée : ils attendent que je leur livre des polycopiés de leçons qu’ils feraient semblant d’apprendre. Mais ça ne va pas marcher comme ça avec moi…

Maintenant que je vois de quoi ils sont capables, et de la marge de travail personnel qu’ils ont encore, j’y vais crescendo. Je leur demande de plus en plus de faire seul (leurs lectures, recherches, exercices, etc.) et le résultat est encore aléatoire, mais ça va venir. J’ai tenté une première expérience sur le mode « classe inversée », où ils devaient eux-mêmes, par groupes de 4, préparer une leçon de grammaire, la présenter à la classe qui les notait, et proposer une évaluation. Je crois qu’ils se sont amusés à le faire (moi je me suis amusée à les écouter en tout cas 😆) et le résultat n’est pas si mal. Toutes les notions ne sont pas vraiment intégrées, mais au moins je sais (et ils savent) là où ils ont des lacunes. Pour la prochaine période, je leur prépare des ateliers autonomes pour travailler justement ce qui leur fait défaut. J’ai trouvé également dans un de mes groupes le principe des One Pagers : un concept anglais pour présenter une œuvre littéraire sur un format plus artistique. Je crois que j’aurais adoré faire ça au collège, au lieu de l’éternelle fiche de lecture. Certains se sont vraiment appliqués, d’autres se sont trouvés en difficulté devant l’aspect dessin et couleurs, mais le résultat est globalement satisfaisant ! En-dessous un échantillon des 5ème. Je n’ai pas pris en photo ceux des 4ème, mais il y a de vrais chefs-d’œuvre !

Il y a tellement d’outils issues de pédagogies différentes qu’il faudrait certainement plus d’une année pour tout tester et encore plus pour les maitriser !

3- On a tous à apprendre

Je me suis rendue compte dès mes semaines de préparation que je ne connaissais plus grand chose de ce qui se faisait au collège : j’écris et je parle plus que correctement, mais les règles sont intégrées, je ne sais plus ce qu’est une expansion du nom, la multiplicité des compléments circonstanciels, ou la liste des prépositions… Je n’ai pas pu revoir toutes les règles de grammaire, conjugaison et orthographe en deux semaines, mais ce n’est pas grave : je les reprends au fur et à mesure avant de les revoir avec les élèves. J’y vais étapes par étapes, et préparer mes cours me permet de retravailler les notions oubliées avant de les aborder avec les élèves. Parfois je doute, c’est vrai, mais vu que j’essaye aussi de leur faire accepter la valeur de l’erreur, je peux leur montrer que personne n’est infaillible, et que ce n’est pas grave ! Vous serez donc priés d’excuser mes fautes de frappe, de conjugaison ou de syntaxe dans mes articles, je revendique mon droit à l’erreur 😌.

Une autre chose qui se pratique au lycée et qui me touche plus personnellement, c’est l’accueil des enfants avec des difficultés. On ne parle pas de handicap (ici c’est un autre sujet), mais de difficultés d’apprentissages, de concentration, de méthode, de retard dû à une déscolarisation, etc. Il faut savoir qu’ici, les AESH n’existent pas, jusqu’à il y a peu, c’était aux familles de trouver et rémunérer une personne de leur choix qui interviendrait en classe pour leur enfant. C’était donc une question de moyens et de communication avec l’école. Ils doivent maintenant (pour l’école française), passer par un dossier MDPH qui est évalué en France, pour avoir une aide financière ici. Pas simple. Mais le lycée français a un plus, qui ne se fait pas (encore, mais peut-être un jour ?) en France : un éducateur spécialisé travaille dans l’école ! Oui ! En lien avec les professeurs, les familles, il accompagne les élèves qui se trouvent confrontés à des difficultés, par petits groupes et sur tous les aspects qui peuvent ralentir leurs acquisitions (le sommeil, le rapport aux écrans, les relations familiales, l’intégration en classe, le travail en autonomie, etc.). Je trouve cela vraiment génial, autant pour les enfants, les familles, que pour les professeurs. Il est une ressource pour aborder des situations d’élèves en difficultés, faire le lien avec l’extérieur, soutenir ce qui ne peut pas être fait avec le groupe classe au complet. Il ne remplace pas les AESH (quand il y en a), il est complémentaire. Si en France, il y avait plus d’éducateurs au sein des écoles, je suis sûre qu’on y gagnerait tous : pour la collaboration entre professionnels, pour faciliter le lien avec les familles, pour accompagner tous les élèves.

Comme quoi, c’est bien la diversité des solutions qui fait la richesse de l’accompagnement ! Mais bon, moi j’dis ça, j’dis rien… 😶

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