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Questions d’éducation

Déjà considérés comme des extra-terrestres de l’éducation en France, on dénote toujours ici. Les regards sont moins jugeant peut-être (les mamans françaises sont réputées pour être trop gentilles), mais aussi souvent emprunts d’incompréhension : pourquoi est-ce qu’on ne leur met pas une tape pour les calmer ? Pourquoi est-ce qu’ils n’obéissent pas dès qu’on leur demande quelque chose ? Qu’est-ce qu’on attend pour les punir ?

Echelle des besoins

Observer les enfants ici, c’est voir au premier abord des enfants libres : ils jouent dehors, ils se promènent seuls, les adultes sont invisibles. On a l’impression qu’ils sont livrés à eux-mêmes. Ce qui est bien souvent le cas : les mamans sont occupées à la maison, entre la lessive qui se fait à la main, la marmite sur le feu qu’il faut surveiller, les courses à faire au marché… Quand elles ne travaillent pas à l’extérieur pour vendre leur cuisine, les fruits et légumes qu’elles ont récoltés, dans la boutique de couture ou à coiffer la voisine. Les femmes sont occupées, et les pères n’ont pas toujours un rôle très investi dans l’éducation : cette mission revient essentiellement aux mères. Alors parmi tout ça, les enfants se débrouillent. Et quand il faut préparer à manger pour le petit, aller chercher de l’eau ou faire la vaisselle, les enfants sont rappelés et ils doivent être là. Cette maman n’a pas le temps de négocier, d’expliquer, d’observer que le jeu de son enfant n’est pas terminé, d’écouter son émotion du moment, car elle a besoin de lui, maintenant. Dans ces conditions, l’obéissance est une vertu, voir une obligation. Et la sanction peut-être violente : la question du pourquoi ne se pose pas.

Pyramide des besoins de Maslow

Quand je vois ces familles qui vivent dans la pauvreté, dont les besoins premiers ne sont pas assouvis tous les jours, je peux comprendre que la question de l’éducation sans violence soit secondaire. Les besoins affectifs, d’estime de soi et des autres, de reconnaissance et d’accomplissement viennent bien après. Quand le pouvoir par la force et la violence font partie de leur quotidien : dans leur vie de tous les jours (dans le couple, la famille, la société) ou au travail, elles ne peuvent pas faire autrement que de reproduire ce qu’elles connaissent. Et pourtant elles sont aimantes, elles maternent comme on ne sait plus le faire naturellement en occident, elles portent leur enfant dans le dos en travaillant, elles donnent tout ce qu’elles ont pour leurs petits.

Ils sont précieux, ils sont leur fierté autant que leur fardeau.

Violence et obéissance

De les voir ainsi, se battre chaque jour pour maintenir la vie dans leur foyer, inspire le respect et l’admiration. Mais même si je comprends qu’elles ne puissent pas faire autrement, je ne peux m’empêcher d’être choquée à chaque fois que j’entends un parent menacer son enfant de le taper, et encore plus lorsque je le vois. Ici ce n’est pas interdit, c’est courant et même conseillé par la famille pour obtenir l’obéissance et la discipline. Avoir des enfants comme les nôtres, qui discutent les consignes, qui expriment leurs émotions, qui négocient les décisions, c’est inacceptable et ingérable. Et pourtant, plutôt que de désirer avoir des enfants dociles, nous sommes confortés dans nos idées de départ.

Pour moi, ce n’est pas qu’une question de conviction, c’est une question de logique.

Contraindre à l’obéissance par la force, la menace ou la violence, cela ne peut donner que 3 résultats : la soumission, la rébellion, ou la révolte. Je ne veux en aucun cas des enfants soumis, qui font ce qu’on leur dit de faire sans réfléchir, sous prétexte que la personne qui le demande a le pouvoir. Je préfère éviter qu’ils se rebellent contre nous, en faisant semblant de nous écouter pour éviter la sanction, tout en faisant le contraire dans notre dos. Et en faire des révoltés, c’est prendre le risque qu’ils reproduisent la violence qu’ils subissent, sur eux-mêmes ou ceux qui les entourent.

Choisir ses combats

Leur apprendre à discuter, à exprimer leurs émotions, à négocier, c’est leur apprendre à écouter, à réfléchir, à développer leur empathie. C’est leur apprendre à évaluer les consignes : celles qui sont négociables et celles qui ne le sont pas, selon les personnes, le lieu et le moment. Leur laisser le choix, c’est leur apprendre à en assumer les conséquences, à respecter leur engagement, à peser le pour et le contre.

Alors certes, nos enfants peuvent paraître impolis, parce qu’il leur arrive de montrer leur agacement, leur mauvaise humeur, leur pudeur ou leur timidité. Ils peuvent sembler tout-puissant, parce qu’ils parlent parfois aux adultes sans barrières, ou qu’ils savent nous dire NON. Ils peuvent être jugés insolents, parce qu’ils ne répondent pas toujours aux questions que les gens leur posent, ou au contraire répondent aux questions qu’on ne leur pose pas. Mais peu importe, nous quand nous les regardons grandir, nous voyons comment Naël a évolué, tout en gardant ce caractère de petit animal sauvage à apprivoiser. Nous observons la gentillesse et l’indépendance de notre petit Léon, qui apprend chaque jour à comprendre et gérer ses émotions et sa sensibilité un peu mieux. Nous avons toute confiance en nos enfants quand on les voit ouverts sur le monde et les autres, sans jugement et sans hiérarchie.

Alors oui, c’est épuisant de leur laisser cette possibilité de remettre en question, de discuter et d’être eux-mêmes. Ce serait tellement plus simple s’ils faisaient ce qu’on leur demande quand on leur demande. Mais nous n’avons pas choisi d’être parents pour fabriquer des adultes dociles et obéissants, prêts à se soumettre à toute forme de supériorité ou de pouvoir imposé par la force. Non, nous assumons pleinement nos enfants, avec leurs caractères, leurs défauts et leurs qualités, leurs essais et leur erreurs. Ils pourront choisir leurs combats, ceux pour lesquels il est nécessaire de se révolter, ceux contre lesquelles ils peuvent se rebeller, et ceux auxquels ils est acceptable de se soumettre. Mais ces combats, ils ne les mèneront pas contre nous, nous ne sommes et ne serons jamais leurs ennemis. On veut être leurs repères, leurs exemples, leur cadre, leurs références, ce qui est une charge bien assez lourde. Cela implique forcément des conflits, des explications répétées, de la patience, des tâtonnements à adapter à chacun d’eux. On peut avoir l’impression de se battre contre eux parfois, lorsque nos limites ne sont pas claires ou pas respectées. Ce n’est pas plus simple, le résultat n’est pas plus rapide, le travail à faire sur soi-même est conséquent. Mais ça vaut le coup.

NB : je ne veux pas énoncer ici une vérité ou une réalité universelle. Je vous partage mes observations et interprétations, qui restent subjectives, tout comme mon expérience de l’éducation et de mes enfants. Ce n’est pas un article scientifique qui cherche à vous convaincre d’opter pour une solution prouvée, ce n’est que ma réflexion personnelle. Ne l’oubliez pas avant de vous offusquer 😉

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