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FEMMES !

Ceux qui me connaissent savent que je ne suis pas une féministe révolutionnaire, mais simplement que je considère les êtres humains à valeurs égales, quel que soit leur sexe, leur âge, leur culture, leur croyance, etc. Mais je suis une femme, de par ma naissance, et également car je me sens femme, sans pour autant savoir vous dire pourquoi ni comment. Je ressens cette identité encore plus depuis quelques années, et je me sens inconsciemment solidaire des femmes du monde entier qui n’ont pas eu le privilège de naître dans une société où elles avaient autant le droit de naître que les autres. Cependant, la naissance ne devrait pas être un droit suffisant…

Femmes occidentales

Oui c’est vrai, en France comme dans plusieurs pays occidentaux, les parents qui attendent un bébé souhaitent presque aussi souvent avoir une fille qu’un garçon. La fierté de donner naissance à un être vivant est souvent plus fort que le sexe qu’il va porter. En tout cas, la société occidentale n’affiche pas ouvertement de préférence ou de répugnance à avoir un enfant de tel ou tel sexe. Chacun imagine ses futurs enfants selon sa propre histoire, celle de sa famille, ses espoirs et ses ambitions. Pourtant, l’inconscient collectif nourrit une image de la petite fille et une autre du petit garçon qui sont bien différents, voir même opposés.

Nous-même, en attendant notre première fille, nous imaginions certainement un tempérament, une attitude, nous avions des projections de ce qu’elle serait, ou plutôt de ce que nous rêvions qu’elle soit. Elle nous a surpris, et elle nous surprend toujours, mais j’en suis heureuse. Elle me permet de revoir la façon dont je pouvais considérer le comportement d’une fille, malgré l’ouverture d’esprit que je pensais avoir, et d’ouvrir les yeux sur ce que les gens attendent d’elle. Elle, en tant que fille, en tant que sœur, en tant qu’aînée, en tant qu’occidentale. Il y a tellement de représentations, d’attentes, de pressions, d’exigences, que je la trouve forte et admirable de rester telle qu’elle est malgré les réflexions qui se répètent, les déceptions dans les yeux de ceux qui la regardent, de faire semblant de ne pas les voir pour rester elle-même alors que ça la touche, de choisir de rester fidèle à ce que lui dit son cœur tout en sachant que ce n’est pas ce qui est attendu d’elle. Je la trouve belle à entretenir son naturel un peu brut, malgré les moqueries ou les reproches de ne pas « ressembler à une fille » (qui se doit d’être coquette, maternante, et délicate), tout en essayant de faire des efforts pour ne pas être blessante dans son impulsivité (ce qu’elle arrivera à faire un jour, j’en suis sûre).

J’ai mal au cœur quand elle me dit qu’elle préfèrerait être un garçon pour que personne ne lui reproche de mettre des bermudas de sport, de parler fort et de sauter partout. Elle est fière de dire qu’elle est un garçon manqué, je lui réponds qu’elle peut être fière d’être une fille réussie. J’espère de tout cœur qu’elle restera ce qu’elle est et intègrera qu’elle a le droit d’être comme elle veut, même en grandissant, de préférer être en short confortable tout en appréciant de se mettre en robe de temps en temps, de dire ce qu’elle pense face à ceux qui ne pensent pas comme elle, de poser des questions quand elle ne comprends pas la personne qui lui fait face, que ce soit un homme ou une femme, un enfant ou un adulte. Je fais tout ce que je peux pour que jamais elle ne se sente obligée de se cacher de ce qu’elle est, de faire quelque chose dont elle n’a pas envie juste pour faire plaisir, d’accepter des comportements qui la dérangent par peur ou par politesse.

Parce que, comme toutes les femmes, j’ai parfois eu peur en rentrant seule la nuit et je me suis sentie gênée par une tenue qui attirait les regards, j’ai été mal à l’aise face à un homme qui me draguait et insignifiante face à un autre qui m’ignorait, je me suis sentie obligée de dire lorsque j’aimais le sexe et coupable lorsque je n’en avais pas envie. J’ai longtemps cru qu’être une femme serait d’être une mère, mais je suis consciente aujourd’hui que ce sont deux choses bien différentes, qui se complètent parfois mais qui ne sont pas indissociables.

Parce que toutes, à un moment ou à un autre, nous avons accepté de nous « déguiser » pour ressembler à ce que les autres voulaient voir en nous, nous avons pris sur nous pour ne pas décevoir ceux qui voulaient notre affection, nous avons appris presque inconsciemment à ne rien dire quand un être « socialement supérieur » nous disait ce que nous devions faire ou dire, nous avons intégré que nos douleurs de femmes nous appartenaient et ne devaient pas être connues des autres, notamment des hommes. On nous a fait croire que nous devions nous sentir belles et désirables dans les yeux des autres, sans quoi nous ne serions pas vraiment des femmes. Que les femmes entre elles devaient entrer en compétition pour être la plus belle, la plus sexy, la moins vulgaire, la plus féminine, la plus libérée, la moins excentrique, la plus rassurante, etc.

Femmes du monde

Ici, tout est différent sans l’être vraiment. Les filles africaines doivent encore plus correspondre à cette image de future femme responsable, douce, maternelle, attentive. Mais elles sont aussi plus rebelles, elles sont un peu obligées de développer un tempérament fort pour ne pas se faire écraser par le poids des responsabilités qu’on leur met sur les épaules si tôt, pour se relever à chaque fois qu’elles sont maltraitées, humiliées ou moquées uniquement parce qu’elles sont femmes, méprisées parce qu’elles ne sont « pas assez belles » ou « trop vieilles », critiquées lorsqu’elles sont apprêtées, jugées quand elles cherchent « excessivement » à plaire… Elles sont qualifiées de femmes intéressées uniquement par l’argent, ou à l’inverse pas suffisamment séduisante pour se trouver un homme qui puisse les « entretenir ». Ben oui, la femme d’ici est aussi considérée comme incapable de se débrouiller seule, elle devrait toujours être sous la coupe d’un homme. Si elle ne l’est pas, c’est forcément de sa faute, car elle n’a certainement pas été une bonne épouse, une bonne mère, peut-être même qu’elle voulait travailler, l’insolente ! Pardon, je m’emporte… Je les observe et je les admire pour leur force face à cette suprématie masculine, leur fierté d’être une femme de couleur, leur révolte silencieuse quant à leur condition, leur courage de continuer malgré tout à être femme, mère et/ou épouse alors qu’elles ne sont jamais considérées à leur juste valeur ou même remerciées. La solidarité qu’elles entretiennent font d’elles des femmes indépendantes et capables de tout, même si certaines l’ignorent encore. Leurs voix, quand elles les mêlent, sont d’une force incroyable et magique.

J’ai eu la chance de mêler ma voix à celles d’autres femmes, dans un projet de théâtre éphémère sur les Monologues du vagin. Nous étions 8 femmes sur scène en plus de la metteuse en scène (je ne sais pas si ça se dit mais je ne peux pas le mettre au masculin ici !). 9 femmes : 3 congolaises, 3 russo-congolaises, 3 françaises. Cette expérience a été une rencontre fabuleuse, avec le théâtre d’abord que je n’avais jamais pratiqué, mais surtout avec des femmes que je ne connaissais pas. Nous nous sommes mélangées sans complexes pour parler et faire parler de Nous, les femmes en général. Nous n’étions pas nues (oui oui, certains ont demandé si on faisait directement parler notre vagin ! 😂), mais nous nous sommes mises à nues pour toutes les femmes. Nous avons ri et fait rire, nous avons pleuré et provoqué des émotions, nous avons appris et fait découvrir la réalité des femmes à tous ceux qui sont venus avec l’esprit ouvert. Nous avons montré que nous pouvions être ensemble, soudées par la même réalité, alors même que nous n’avions pas la même naissance, le même âge, la même culture. Je me suis sentie femme et fière de l’être avec elles, toutes autant qu’elles étaient, avec leurs vies et leurs histoires si différentes les unes des autres. Je me suis sentie unique et semblable à la fois, comme une partie d’un tout que nous formions, d’une manière improbable et pourtant si naturelle.

Depuis plusieurs années que je m’interroge sur ce que je veux vraiment, pour moi seulement en tant que personne et femme, je crois que c’est lorsque nous avons été sur scène que j’ai ressenti le plus cette joie et cette fierté d’être ce que je suis, une femme unique et particulière, semblable aux autres femmes du monde, unies par un lien indéfectible. Merci ! 🙏

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